La Renaissance

Après un XIVème siècle assombri par la guerre de Cent Ans et par la Grande Peste (qui avait décimé un quart de la population européenne), le XVème siècle va apparaître comme celui des prémices de la Renaissance.
L’activité musicale va prédominer dans trois pôles géographiques.
La Bourgogne avec la cour de Dijon où le compositeur Gil Binchois développe la musique de cour, un art léger et profane.
L’Angleterre, qui étend son influence sur Dijon et prépare doucement sa propre Renaissance.
La Flandre, berceau de l’école franco-flamande, qui dominera véritablement tout ce XVème siècle.

Messes, motets, chanson polyphonique sont développés. On étudie le contrepoint et l’ornementation. Toutes les tendances et toutes les règles de la polyphonie vont s’élaborer à partir de cette école franco-flamande. Différents maîtres vont s’y succéder.
Guillaume Dufay (1400-1474) adoucit la ligne et la polyphonie de Guillaume de Machault. Bien que rattaché à l’école franco-flamande, il travaille surtout à Cambrai, à Paris, en Suisse et en Italie. Il compose un grand nombre de messes, de motets et de magnificats.
A sa suite, Johannes Ockegem (1430-1495), chanteur et maître de chapelle à la cour de Paris, développe une musique plus complexe mais plus souple. Elle utilise des rythmes plus déliés avec davantage de tierces et de sixtes, remplaçant l’usage des quartes et des quintes aux effets plus âpres. Ockegem assoit définitivement la polyphonie à quatre voix (base, ténor, alto et soprano).
Il compose dans tous les genres de l’époque. Son travail prépare l’apogée de la génération à venir, dont le plus rayonnant et le plus prestigieux compositeur sera Josquin des Prés (1440-1521).
Jusqu’en 1500, Josquin des Prés n’exerce pratiquement qu’en Italie. Sa musique est extrêmement travaillée, ciselée : le contrepoint est très riche et toujours très habile. On y remarque la gravité de l’inspiration et la richesse de la ligne mélodique.
C’est sans aucun doute le compositeur le plus international de son époque. Son influence est immense et se diffuse dans toute l’Europe par de nombreux disciples.

Tous ces musiciens tendent vers plus d’expression : ils cherchent à rendre plus juste l’adéquation entre la parole, la poésie et les harmonies. L’écriture polyphonique et le contrepoint (différence de rythme d’une mélodie à l’autre) deviennent de plus en plus complexes.
La polyphonie Josquinienne atteindra son apogée avec Roland de Lassus (1532-1594) qui réalisera la synthèse des différents courants du XVème et du début du XVIème siècle.
Pourtant les difficultés techniques de l’école Josquinienne vont en rebuter certains, entraîner des réactions opposées.
Une des réactions les plus radicales s’incarnera dans la musique réformée en Allemagne.
Luther se rebelle ouvertement contre Rome en 1521, provoquant un schisme avec des conséquences politiques et religieuses irréversibles. Sur le plan musical, ce mouvement donne naissance à un genre nouveau, exclusivement religieux : le choral luthérien qui se définit comme un cantique. La mélodie est simple et chantée en choeur, à l’unisson. Elle peut être accompagnée et harmonisée. Sa fonction première est de ne pas détourner le fidèle du but premier de son chant : l’élévation vers le Seigneur. On se débarrasse des phrases et des tournures trop complexes de l’école Josquinienne.

Réagissant à Luther, le Vatican met en place une contre-réforme musicale également basée sur une épuration de l’écriture Josquinienne. Son représentant sera le compositeur Giovani Pieluigi (1525-1594), dit Palestrina. Sa musique est fort agréable, équilibrée, mais elle se fige dans un académisme conservateur.
Elle devient le garant de l’ordre esthétique officiel du Vatican.

L’Autriche oscille entre les modèles musicaux franco-flamands et romains. La réforme ne passe pas ses frontières, le pouvoir catholique y étant particulièrement puissant.
Parmi les personnalités musicales allemandes et autrichiennes de cette époque, on peut citer :
Conrad Paumann (Nürenberg, 1410-1473)
Organiste et aveugle, il est le Maître incontesté en Allemagne vers 1447.
Il invente la tablature (notation par le chiffrage des doigts sur le manche des instruments à corde) dont l’usage (subsistant encore aujourd’hui) sera très employé jusqu’au XVIIIème.
L’Allemagne se lance dans la voie tracée par Paumann. C’est ainsi que la musique purement instrumentale (orgue et luth) va prédominer, jetant la base d’une longue tradition allant jusqu’à Bach.
Heinrich Isaak (mi XVè-1517).
Compositeur de Laurent le Magnifique (Médicis) et de l’Empereur Maximilien, Isaak séjourne à Vienne. Compositeur cosmopolite, organiste, il a une certaine élégance malgré sa rigueur stylistique.
Ludwig Senfl (1492-1555), élève et successeur de Heinrich Isaak vit à Vienne avant d’être nommé Maître de Chapelle à Munich.
Bien que catholique, c’est le musicien préféré de Luther. Il écrit dans les genres motet (genre “un mot, une note différente par voix”), magnificat (genre religieux) et lieder.
Paulus von Hofhaimer (1459-1537)
Organiste de l’archiduc Sigismond, de l’Empereur Maximilien et du Dôme de Salsbourg, il se spécialise dans le lieder et le choral latin.
Heinrich Finck (1445-1527)
Ce compositeur de lieder est attaché au roi de Pologne Jean 1er, puis à l’archevêché de Salsbourg avant d’être nommé maître de chapelle à Vienne.
Jacobus Gallus (1550-1594), appelé le “Palestrina allemand”, échappe à l’influence de Luther, reste catholique et sous l’influence vénitienne.
Maître de chapelle à Vienne puis cantor (chef de choeur et compositeur pour son choeur) à Prague, il écrit surtout de la musique religieuse.

L’Autriche catholique se détourne de l’Allemagne réformée pour porter son regard vers l’Italie.

Parallèlement à la polémique entre les musiques religieuses de la Réforme et de la Contre-réforme, l’Italie s’engage en cette fin du XVIème siècle dans de nouvelles formes esthétiques profanes.
A la suite de la “frottola” (chanson polyphonique à quatre voix) et de la chanson française, la mélodie principale (Dans la musique polyphonique, tout est mélodie. La voix la plus importante est celle qui préside à la composition. Les autres voix sont composées par la suite, en fonction de la première) va se déporter du ténor à la partie de soprano.
L’évolution du genre va transformer cette “frottola” en “madrigale” qui cherche essentiellement à servir le texte par la musique la plus appropriée.
Une nouvelle tendance apparaît: l’ancienne polyphonie glisse vers un nouveau style d’écriture : la mélodie accompagnée. La mélodie se dégage du reste de l’organisation musicale qui devient accompagnement. Cela permet une mise en valeur toute nouvelle du texte et de sa musique.
Texte et ligne mélodique deviennent plus perceptibles. La polyphonie laisse place à une écriture plus verticale sous forme d’accords.
La double préoccupation de mettre la musique au service du texte en sortant la mélodie de sa gangue polyphonique, et de créer un art total réunissant le texte, le son, la peinture, la sculpture et la danse, comme dans le théâtre antique, donne naissance à un genre nouveau : l’opéra.
C’est à Jaccopo Peri que revient l’honneur de créer le premier opéra de l’histoire en 1600 : Eurydice.

Mais l’acteur principal et le plus fécond de cette évolution est Monteverdi.

Claudio Monteverdi(1567-1643) est considéré comme l’un des plus grand génies de l’histoire de la musique, au même titre que Bach, Beethoven et Mozart.
Son oeuvre est d’une grande prodigalité : neuf cahiers de madrigaux, dix-huit opéras, un grand nombre d’oeuvres sacrées et profanes diverses.
Monteverdi abandonne progressivement l’ancien style polyphonique modal issu du Moyen-Age pour la mélodie accompagnée dans le nouveau système tonal.
Il pose ainsi les bases de toute la tradition musicale à venir, tradition qui perdurera et évoluera jusqu’à sa remise en question par Schoenberg en 1909.
En outre, il établit les structures de l’opéra : il crée l’arioso, air de soliste chanté en mélodie continue, impose le choeur et développe la sinfonie, terme italien désignant un groupe d’instruments sonnant de concert, en prélude ou en intermède de la dramaturgie.